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Présentation de la programmation 2023

8 mai 2024
Présentation de la programmation 2023 Image 1

Cette douxième édition du festival propose un panorama cinématographique  pensé comme un voyage à travers les formes et les géographies, convoquant différents régimes d’images, différentes architectures de récits, et ouvrant la porte à une multitude d’imaginaires qui, j’espère, seront rassembleuses et porteuses d’émotions singulières.

 

Le pays à l’honneur est cette année le Liban, un pays traversé depuis 2019 par une série de crises tragiques, à la fois économique, politique, sociale et humanitaire. Devant l’état de crise, la caméra de cinéma est un outil puissant pour témoigner, dénoncer, replacer l’humanité au coeur des images, par le geste créateur et les récits recueillis. Les productions qui nous arrivent du Liban sont ces dernières années pléthoriques, et il était important d’honorer la diversité de ces engagements cinématographiques en donnant à voir quelques films et en permettant à quelques réalisateurs de rencontrer leurs publics. Trois formes d’écritures documentaires se répondent dans cette programmation : l’époustouflant Anxious in Beirut du cinéaste Zakaria Jaber, qui jette son spectateur dans le tourbillon hallucinant de quatre années de lutte et de désespoir tout en mettant au coeur de ce film très politique ce que l’humanité a de plus précieux : l’humour et l’amitié. Behind the Shields de Sirine Fattouh est à son tour une plongée passionnante au coeur de Beyrouth, filmé depuis sa voiture par un dispositif étonnant où le politique s’impose au spectateur dans le passage du temps et des événements. Le dernier film de Maï Masri quant à lui, Beyrouth, l’oeil du cyclone, fait le portrait croisé de quatre femmes dans la tourmente de cette période effarante.

 

La Mer et ses vagues de Liana et Renaud est quant à lui un voyage hors du temps dans un Liban onirique aux lueurs inquiétantes. Sélectionné à l’ACID à Cannes et présenté en avant-première dans le cadre du festival, cette fiction est une poésie visuelle qui permet de prendre du recul sur la ville et son drame, tout en proposant avec force et audace un autre regard sur le pays.

 

L’actualité de ces images s’inscrit dans une double histoire des peuples et du cinéma. Il me semblait indispensable de prendre la mesure de cet héritage historique et cinématographique pour donner à ces œuvres contemporaines une dimension supplémentaire. Reporter de guerre dans les années 1970, Jocelyne Saab quitte son poste à la télévision française après un acte de censure et se décide à transformer son rapport aux images. Elle travaille avec des poètes, notamment la libanaise Etel Adnan qui écrit le texte du commentaire de Lettre de Beyrouth que présentera la grande figure féministe Wassyla Tamzali dans le contexte d’une masterclass sur le rôle politique des archives de cinéma. Saab couvre la guerre civile libanaise jusqu’en 1982, à la suite du siège de Beyrouth par les Israéliens qui a forcé le départ de l’OLP du Liban. Jocelyne Saab couvre le conflit libanais du côté des civils et de l’humanité. Engagée pour la justice et la tolérance, acquise à la cause palestinienne sans jamais s’encarter dans un parti, elle a la confiance de Yasser Arafat qu’elle part filmer au sud du Liban dans Lettre de Beyrouth. Le départ des Palestiniens en 1982 marque son retrait de l’image documentaire : elle ne filmera à Beyrouth plus que des films de fictions, qui sont mis à l’honneur dans le cadre de la rétrospective que lui consacre le festival.

 

Autre figure essentielle du cinéma documentaire dans la région, Maï Masri est considérée comme la première réalisatrice indépendante palestinienne. Elle couvre également la guerre du Liban à partir de la fin des années 1970, et réalise des films avec son compagnon Jean Chamoun et seule, au Liban et en Palestine. En sus de son film Beyrouth, l’oeil du cyclone, nous présentons son documentaire Les Enfants de Chatila, réalisé en 1998 sur le camp de réfugiés palestiniens du Sud de Beyrouth, victime d’un terrible massacre par des milices chrétiennes après l’intervention de l’armée israélienne au Liban en 1982. À partir de ces deux films, Maï Masri présentera une masterclass sur l’ensemble de son travail. Sa parole, précieuse, est aussi une façon de mettre en perspective le travail de documentariste de Jocelyne Saab. Les deux œuvres se croisent et se poursuivent l’une l’autre, au service des peuples, inscrivant des images dans l’histoire, pour ne jamais oublier cette phrase du dramaturge Julian Beck, qui nous met face à une réalité dramatiquement actuelle : personne n’est libre tant que tout le monde n’est pas libre.

 

Pourtant conçue avant les événements récents, cette programmation résonne effectivement avec l’actualité géopolitique. Au-delà du travail de Jocelyne Saab et de Maï Masri, la question palestinienne est au coeur de plusieurs autres films. Deux d’entre eux dénonçent l’état d’apartheid subi par les Palestiniens de Cisjordanie, par le documentaire, comme le fait Jumana Manna avec Cueilleurs, qui rend compte de l’interdiction par l’État israélien de la cueillettes de plantes à la base de la cuisine traditionnelle palestinienne, ou comme le fait Camille Clavel par la fiction dans Bir’em, qui met en scène une jeune femme qui souhaite réinvestir le village de son grand-père détruit lors de la Nakba de 1948 ; plus intime, le film de Lina Soualem, Bye-Bye Tibériade, présenté en avant-première, tente quant à lui de raconter une histoire familiale à travers le portrait de quatre générations de femmes qui racontent d’autres récits et nous proposent d’autres images, plus personnelles, de la Palestine. Accueillir la parole des réalisateurs et des réalisatrices autour de ces œuvres essentielles est un moyen de prendre une distance nécessaire devant les événements contemporains, de faire le point sur l’histoire du conflit et sa désespérante continuité, et de dialoguer autour des films pour ce qu’ils racontent de sensible pour remettre, là aussi, de l’humain dans un débat d’idée souvent trop houleux.

 

D’autres conflits et d’autres oppressions refont surface dans ce festival. Asmae El Moudir, dans un documentaire intitulé La Mère de tous les mensonges, où la fiction se mêle à l’intime de la famille, évoque les émeutes du pain de 1981 réprimées dans le sang dans le Maroc de Hassan II. Le Yémen, chose rare, apparaît dans la programmation, avec une fiction sensible d’Amr Gamal intitulée Les Lueurs d’Aden et présentée en avant-première ; la Syrie, que nous avons moins vue ces dernières années, réapparaît, explosive, dans un film nécessaire réalisé par Karim Serjieh intitulé Le Pacte d’Alep, et qui retrace à travers un montage construit à partir de 600 heures de rushes l’échec de la révolution et l’effondrement d’Alep assiégée. Karim Serjieh est aujourd’hui exilé en France et porte son film comme un slogan pour ne pas oublier la Syrie – et pourtant, lorsqu’on l’invite à parler de son film, c’est d’abord à un cessez-le-feu à Gaza qu’il appelle. D’une guerre à l’autre.

 

La condition de l’exil syrien est traité avec une grande finesse par Antoine Bourges dans sa fiction Concrete Valley, qui met en scène une famille syrienne installée à Toronto depuis cinq ans et qui lutte pour s’intégrer. Le miroir Orien-Occident est aussi au coeur du travail de Nadia Farès qui questionne l’état du féminisme en Suisse et en Egypte dans son film Big Little Women. Quant à Mehdi Fikri, c’est le racisme systémique et les violences policières qu’il tient à dénoncer dans son film Avant que les flammes ne s’éteignent, qu’il viendra présenter dans le cadre du festival. Hamé et Ekoué viendront quant à eux présenter leur dernier film Rue des Dames en avant-première au Ciné-Malraux de Bondy.

 

Mais ce festival ne parle pas que de violence et de déracinement. La musique sera là pour rythmer nos journées : deux documentaires suivent des femmes musiciennes, Machtat de Sonia Ben Slama qui nous fait rencontrer un groupe de musiciennes de mariage qui ont du mal à trouver elles-mêmes l’amour, et La Rockeuse du désert de Sara Nacer qui suit la carrière incroyable de la joueuse de gnawa algérienne Hasna El Benchara. Quelques grandes fictions pour tous les publics mêlent par ailleurs humour, drame et questions de société, comme le fait la fresque de Leila Kilani, Indivision, qui à travers les yeux d’une adolescente muette mais agile sur les réseaux sociaux dénonce les injustice de classes et la bourgeoisie tangéroise. Comédie portée par quatre actrices remarquables, Les Filles d’Abdulrahman du réalisateur jordanien Zeid Abu Hamdan discute avec humour les différences qui divisent une famille. En clôture, l’avant-première de Reines de Yasmine Benkiran nous emmenera traverser le Maroc avec un road movie féministe décapant. Cette séance de clôture se voudra cette année festive : nous accueillons Zebrock, qui nous propose en avant-séance un blind test à partir d’une sélection de titres de musique arabe.

 

La musique sera aussi acoustique au Trianon cette année : le oudiste Damien Sarret accompagnera les séances jeune public, construites à partir de deux courts-métrages de patrimoine, un film de la pionnière du documentaire égyptien Atteyat Al Abnoudi, et un récit de fiction réalisé par la française Yannick Bellon. Il donnera également un concert soutenu par le conservatoire Nadia et Lili Boulanger le samedi 25 novembre sur KATSAKH, des images d’archives de la Méditerranée, numérisées et montée par l’artiste libano-arménienne Chantal Partamian.

 

La compétition courts-métrages se tiendra cette année le deuxième dimanche du festival, avec la remise des prix dans la foulée. Nous avons reçu cette année près de 80 propositions, et nous sommes très heureux de proposer au jury – car le public vote aussi !- huit films courts à découvrir.

D’autres courts-métrages sont présentés en avant-séance, notamment des œuvres de notre marraine Chloé Mazlo, et des films-surprises programmés par le groupe de programmateurs d’Etonnant cinéma. Des publicités arabes des années 1970 issues des collections de l’Atelier du 7e Art de Frédéric Rolland seront présentés avant certaines séances.

 

Au-delà du Trianon, nos partenaires du réseau Est Ensemble proposeront aussi des films en lien avec notre programmation : retrouvez le festival au Ciné 104 de Pantin, à L’Ecran Nomade de Bobigny, au Ciné Malraux de Bondy, au Cin’Hoche de Bagnolet, mais aussi à l’Institut des Cultures d’Islam qui propose une séance de Dunia de Jocelyne Saab.

 

Mais le festival ne se limite pas aux programmes de cinéma : hors les murs à Noisy-le-Sec, les expositions du calligraphe Abdallah Akar à la micro-folie et celle de Sirine Fattouh à la Galerie – centre d’art contemporain proposeront un autre rapport aux images que celui du cinéma. Au théâtre des Bergeries, Souad Massi donnera un concert le jeudi 23 novembre, alors que le 18 novembre c’est le collectif de DJ Les Arabes du futur qui feront danser les foules à Canal 93. La médiathèque Romain-Rolland vous propose par ailleurs une sélection de bandes dessinées sur les thématiques du festival mises en avant durant la durée des festivités.

 

Nous sommes très heureux de vous accueillir et de vous accompagner dans ce voyage cinématographique !

 

Pour aller plus loin :

Entretien avec Mathilde Rouxel, directrice artistique pour Microciné : https://www.youtube.com/watch?v=4_PQG_bpK14

Entretien avec Mathilde Rouxel sur le blog Mediapart de Cédric Lépine : https://blogs.mediapart.fr/edition/cinemas-du-maghreb-et-du-moyen-orient/article/151123/rencontre-avec-mathilde-rouxel-directrice-artistique-du-ffa-20

 

Mathilde Rouxel
Directrice artistique du festival

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