Chantal Partamian est une cinéaste expérimentale et une archiviste libano-arménienne. Pour le Festival du film franco-arabe de Noisy-le-Sec elle nous propose un montage inédit de travelogues réalisés autour de la Méditerranée dans les années 50. Ces films de familles numérisés et montés par la cinéaste nous font voyager à travers les villes de la Méditerranée et à travers l’histoire, en Syrie, au Liban, au Maroc, mais aussi en Palestine au tournant des années 1950. Ces images, muettes, seront accompagnées d'un concert de Oud par le musicien Damien Sarret. Entrée gratuite !
Qu’est-ce que ce projet : KATSAKH ?
C’est un projet d’archives mises en ligne sur des plateformes de diffuson, comme instagram ou YouTube. Au départ, j’ai commencé Katsakh pour diffuser des expérimentations sur pellicule que je réalise moi-même, des found footages, des pellicules que je retrouvais sur ebay, des catalogues de 16mm… en bref, pour donner accès à des choses obsolètes reliées à la pellicule. Au bout d’un moment, je me suis rendue compte qu’il fallait que j’organise ces archives.
« Katsakh » signifie vinaigre en arménien. C’est comme le syndrome du vinaigre qui frappe les pellicules et que je trouve fascinant, parce que ça rend le film beaucoup plus organique. Je suis attirée par cette dimension-là.
Aujourd’hui, Katsakh est organisé en trois parties : « Mediterranean Archive » ; les éléments obsolètes que je retrouve ; mes propres expérimentations (scratch sur pellicule.).
Mais ce qui nous intéresse ici c’est vraiment la « Mediterranean Archive », qui est le grand projet pour lequel j’ai lancé une chaîne YouTube.
Ce qui m’intéresse est de collectionner les pellicules, non pas de relayer des vidéos qui sont déjà en ligne pour faire un inventaire de ce qui existe déjà. Je m’intéresse à ces objets en ce qu’ils ont d’unique : ce sont des films de famille, des travelogues. J’essaie de les numériser, de les retaurer autant que possible pour pouvoir les mettre en ligne, pour ouvrir l’accès à tous. C’est un acte de démocratisation des archives. C’est une initiative personnelle : je n’ai pas de soutien institutionnel, c’est ma propre obsession.
Et que penses-tu de l’idée de projeter sur grand écran ?
S’il y a des gens qui ont envie de passer une heure à regarder des films de famille et des travelogues, d’essayer de reconnaître es endroits, je serai très contente.
Ce sont surtout les lieux touristiques. Bien sûr, il y a des concentrations sur des visages qui ne sont pas familiers parce que ce sont des films de famille, mais on reconnaît malgré tout les espaces, les les dynamiques des gens.
Je trouve que de moins en mois de gens vont au cinéma pour être emporté par le cinéma, donc s’il y a des gens qui veulent voyager dans le temps et dans cet espace méditerranéen je suis ravie que les images soient projetées.
Qu’est-ce qu’on va voir ?
J’ai choisi trois fonds de films différents. De par le fait que je suis aussi archiviste, j’essaie de créer les nomenclatures.J’ai à ce jour trois fonds différents : un fonds que j’appelle le fonds Buggle, du nom indiqué sur les pellicules, sans doute le nom de la famille en question. C’est un fonds qui est centré sur le « SS constitution » qui semble être, d’après mes recherches, une sorte de ferry ou un bateau qui fait comme le tour de la Méditerranée, Naples, Beyrouth mais aussi l’Egypte ou le Maroc. J’ai récupéré trois pellicules différentes. L’une contient juste des hommes sur le bateau. Je ne sais pas s’ils sont des marins, je cherche encore d’autres indices : la métadonnée de la pellicule m’indique qu’elle date des années 40 mais les images ont été faites dans les années 50 : la date est d’ailleurs indiquée sur la boîte, cette famille était vraiment très méthodique !
La deuxième pellicule nous montre Naples et l’Egypte, la 3e Baalbeck au Liban. Elles sont lacunaires : parfois le titre annonce « Syrie » mais on ne voit pas la Syrie par exemple. Mais c’est tout ce que j’avais retrouvé. Ce sont des pellicules en 8mm.
Le deuxième fonds est un fonds de film de famille en 16mm qu’on peut aussi dater de 1950. Je crois que c’est un couple américain. Ils étaient en visite en Syrie, Liban, Jordanie, pour arriver jusqu’en Palestine, mais plutôt Jérusalem : il s’agissait probablement d’un voyage en terre sainte.
Ce qui est intéressant dans ce film, c’est qu’à un moment c’est la femme qui filme l’homme. La majorité du temps c’est d’ailleurs lui qu’on voit et pas elle : ça m’a semblé intéressant pour un film de 1950 !
Pour le troisième fonds j’ai sélectionné une pellicule 8mm elle aussi lacunaire. Le voyage commence en Égypte, ils partent à Nicosie – c’est la première fois que je trouve du footage 8mm sur la Nicosie !- puis ils repartent en Jordanie. Toutefois, la fiche qui était conservée avec le film mentionnait aussi la Palestine, mais le voyage dans nos images s’arrête en Jordanie.
Quand je les mets en ligne je les classe par pays pour que la recherche soit plus facile, mais l’intégrité de l’archive y est disponible : je ne touche pas au pellicule je les publie telles quelles.
Les 45 minutes que j’ai montées sont de la même période. Les pellicules issues de ces différents fonds sont très différentes dans la manière dont elles sont filmées. Esthétiquement elles ne sont pas toutes super : je ne fais pas d’incroyables restaurations, mais pour moi ce sont néanmoins de belles images.
Les numérisations des fonds d'archive de Chantal Partamian sont disponibles sur Viméo et sur Youtube :
https://vimeo.com/showcase/10099042
https://www.youtube.com/@Katsakh_MediterraneanArchives/videos